Un implant rétinien pour mieux se repérer dans l'espace ? Si le dispositif est

toujours en phase d'expérimentation -il est testé depuis 2013 sur l'Homme- il

fait progressivement son chemin. En France, l'implant IRIS II, fabriqué par la

société Pixium Vision, a été posé pour la troisième fois. Au CHU de Nîmes,

c'est un patient de 40 ans, devenu non-voyant des suites d'une rétinite

pigmentaire, qui a été opéré le 14 octobre 2016.

L'intervention fait partie d'un essai clinique européen organisé par Pixium

Vision. Ce projet, baptisé « Compensation de la cécité à l'aide du système

d'implant rétinien intelligent », concerne des patients atteints de dystrophie

rétinienne. Son principe ? « Restaurer un minimum de vision pour faire passer

des patients du statut d'aveugle à celui de malvoyant, et pour leur redonner un

minimum d'autonomie », explique Dr Gérard Dupeyron, chef du service

ophtalmologie du CHU de Nîmes, qui a supervisé l'opération.

Le dispositif condense trois technologies : un implant positionné sur la

rétine, un transmetteur sans fil ainsi qu'une paire de lunettes, équipée d'une

mini-caméra, qui fonctionne comme une rétine humaine en captant les événements

de l'environnement et en générant les données visuelles. L'implant, lui, porte

les électrodes -150 au total !- qui vont recevoir les informations visuelles du

transmetteur et envoyer les signaux électriques de stimulation vers le nerf

optique. Il est alimenté par induction avec des bobines intégrées dans les

lunettes ; le signal vidéo est transmis par signal haute fréquence. À noter que

l'implant est interchangeable, ce qui permet aux patients de bénéficier d'un

remplacement ou d'une version améliorée dans le futur.

« Il ne s'applique pas à toutes les personnes aveugles mais aux patients

devenus non-voyants des suites d'une rétinite pigmentaire », souligne le

chirurgien. Cette maladie dégénérative touche 60 000 personnes en France. Elle

se caractérise par une perte progressive et graduelle de la vision, qui conduit

généralement à la cécité. Les personnes sélectionnées pour la pose d'implant

rétinien doivent également répondre à des critères médicaux et psychologiques

précis. « L'implant doit être posé sur des patients aveugles depuis moins de 5

ans, qui ont conservé une bonne « connexion » entre la rétine et le cerveau »,

précise Dr Dupeyron. Les personnes aveugles de naissance ne peuvent donc pas

être opérées pour le moment.

La sélection des patients est effectuée au centre de référence des maladies

génétiques ophtalmologiques du CHU de Montpellier, et encadrée par Dr Christian

Hamel. Sur le plan médical, l'opération implique d'avoir un oeil en bon état et

de ne présenter aucune autre maladie oculaire. Des examens sont effectués pour

vérifier que l'espace entre l'oeil et la paroi de l'orbite est suffisant pour y

insérer le récepteur. Par ailleurs, d'un point de vue psychologique, les

patients doivent « présenter un certain enthousiasme sans investir trop

d'espoir dans l'intervention ». « C'est un juste équilibre à trouver chez le

patient. Il doit pouvoir être motivé tout en restant réaliste », explique le

chef de service.

L'intervention, qui dure trois heures, s'apparente à un traitement du

décollement de la rétine. Pour pouvoir placer le récepteur sur la rétine, le

chirurgien doit effectuer une incision du globe oculaire. « Ce qui est

important, c'est de garder la paroi du globe étanche. Mais c'est quelque chose

que l'on maîtrise bien aujourd'hui », précise Dr Didier Audemard, chirurgien

qui a effectué l'opération. Par ailleurs, comme pour toute pose de prothèse

importante, un risque d'infection est à prendre en compte.

À la suite de l'opération, une période de rééducation en trois temps est

indispensable. Et, justement, c'est en partie pour son centre de rééducation

pilote, l'institut ARAMAV, spécialisé en basse vision et en réadaptation

oculaire, que le CHU de Nîmes a été sélectionné pour effectuer l'implantation.

Dans un premier temps, les patients sont gardés un mois pour régler la caméra

et l'intensité des signaux électriques. Chaque électrode doit être testée 40

fois. « Nous passons ensuite en phase d'appropriation afin que le patient

apprenne à s'adapter à ces flashs, qui ne sont pas naturels », explique le Dr

Luc Jeanjean, responsable de l'unité de neuro-ophtalmologie du CHU de Nîmes.

La véritable rééducation débute, elle, au bout de six mois. Le patient doit

savoir utiliser sa vision, qui s'effectue par points lumineux, afin de se

repérer plus facilement et d'analyser son environnement. Pas question pour

autant de distinguer des couleurs ou des formes précises. « Nous sommes

toujours au début des travaux, explique Dr Dupeyron, qui compare la recherche

en vision prothétique à la conquête de l'espace. Durant la prochaine étape, si

nous améliorons la dissémination des implants, des formes pourraient être

interprétées. »

« Cette pose conforte nos espoirs d'améliorer notablement la vie de personnes

devenues malvoyantes, confie Vincent Michel, président de la Fédération des

aveugles de France. C'est un signe fort qui nous invite à poursuivre nos

efforts et notre soutien en faveur de la recherche en ophtalmologie ». Dr

Dupeyron précise, de son côté, que ces recherches sont surtout possibles grâce

à un bon fonctionnement du cerveau : « Nous lui donnons des sensations qu'il

peut utiliser. Même si nous implantons l'oeil, c'est le cerveau que nous

rééduquons ». Prochaine opération le 20 décembre 2016.

 

source: handicap.fr